Pourquoi ne devriez-vous pas vous priver d’aller danser en période de révisions avant des examens ?

Eh bien parce que ça peut être le meilleur moyen dont vous disposez pour mettre votre corps, et en particulier votre système nerveux autonome et votre cerveau dans un état physiologique favorable à l’apprentissage. En particulier si vous avez l’impression d’être tout le temps en train de courir et si vous n’arrivez pas à vous détendre quand vous essayez de vous poser.

En effet, la théorie polyvagale du Dr. Stephen Porges (que je présente plus en détails dans mon article « Mais pourquoi on se prend la tête ? L’éclairage de la théorie polyvagale ») nous apprend que notre système nerveux autonome est composé de trois branches qui nous mettent chacune dans un état physiologique différent :

L’activation du système sympathique

Si vous êtes toujours en mouvement, si votre cœur bat vite et fort, c’est que le système sympathique est activé pour favoriser le mouvement : l’oxygène va en priorité aux muscles et pas au néocortex, dont vous avez besoin pour apprendre vos cours et passer vos examens. Si vous n’arrivez pas à vous poser et vous relâcher, c’est que vous êtes pris·e dans un cercle vicieux d’activation du système sympathique : si celui-ci est activé parce que votre système nerveux autonome a détecté, à tort ou à raison, un danger (par exemple celui de rater vos examens), alors il va favoriser la prise en compte des indices de danger au détriment des indices de sécurité. Il est alors d’autant plus probable qu’il détecte un danger (réel ou imaginaire) et cherche à y faire face en augmentant votre capacité à vous mobiliser pour fuir ou combattre, ce qui n’est pas une réaction adaptée quand le risque est celui de rater des examens.

L’activation du système vagal dorsal

Étant donné que la réaction est inadaptée, elle ne met pas fin à la situation de détection d’un danger, et cet état prolongé de mobilisation pour fuir ou combattre peut finir par vous épuiser. C’est pourquoi, si la situation se prolonge, le contrôle va passer à la branche dorsale du nerf vague, qui va chercher à conserver votre énergie. Vous allez vous sentir fatigué·e, plus ou moins anesthésié·e et déconnecté·e, incapable de vous motiver pour quoi que ce soit. Ou vous pourriez aussi faire un malaise vagal : l’oxygénation du cerveau est réduite, vous éprouvez une sensation de vertige, et si vous ne vous allongez pas, vous allez vous évanouir et tomber. Évidemment, cet état est encore moins approprié pour réviser et passer des examens.

L’activation du système vagal ventral

Ce dont vous avez besoin pour réviser et passer vos examens, c’est que votre néocortex soit pleinement opérationnel. Cela ne se produit que si votre état physiologique est sous le contrôle de la branche ventrale du nerf vague, ce qui n’est possible que si votre système nerveux autonome détecte que vous êtes en sécurité.

Une neuroception de sécurité

Ce processus de détection de danger est automatique et inconscient. Pour le distinguer de la perception, le Dr Stephen Porges, l’auteur de la théorie polyvagale, a inventé le terme de « neuroception ». Quand votre système nerveux autonome a détecté un danger (réel ou non) par le processus de neuroception, il déclenche des changements physiologiques que vous pouvez percevoir notamment par la proprioception. Mais vous ne saurez pas nécessairement ce qui a déclenché cette neuroception, vous pourrez seulement essayer de le deviner.

Le processus de neuroception cherche en permanence des indices de sécurité et des indices de danger, dans votre corps et dans votre environnement. Certains de ces indices sont propres à une personne, ils sont le résultat d’un conditionnement lié à son histoire. Mais de nombreux indices sont communs à tous les êtres humains, comme les réactions aux sons par exemple, ou aux expressions du visage.

Jouer sur les indices de sécurité

Pour retrouver une neuroception de sécurité (pour que le système vagal ventral contrôle votre état physiologique et le mette dans un état favorable à l’apprentissage), il vous faut donc jouer sur ces indices. Il existe de nombreux moyens de le faire, dont certains que vous pouvez mettre en œuvre seul·e (par exemple des techniques de respiration telles que la cohérence cardiaque ou les pranayamas, ou bien écouter de la musique), et d’autres qui nécessitent la participation d’autres personnes ou d’autres mammifères (par exemple caresser un chat ou jouer avec un chien).

Si votre système sympathique est activé, il vous sera probablement beaucoup facile de retrouver une neuroception de sécurité en dansant avec des ami·es (des visages amicaux souriants sont des indices de sécurité, alors que des visages neutres, fermés, en colère ou apeurés sont des indices de danger), plutôt qu’en vous asseyant en médiation pour pratiquer un exercice de respiration, car vous êtes dans un état physiologique qui vous prépare au mouvement.

Si la danse vous fait plaisir, cette sensation de plaisir va être un indice de sécurité.

Les mouvements rythmés apportent aussi des indices de sécurité : c’est pour cela qu’on berce les bébés, et qu’on ne devrait pas se priver de bercer des adultes qui ont besoin d’être réconfortés.

La musique peut apporter des indices de sécurité (par exemple les berceuses) ou de danger (les musiques de film qui font peur). A vous de choisir pour danser des musiques porteuses d’indices de sécurité : des rythmes prévisibles, des modulations dans la bande de fréquence de la voix humaine, des sonorités qui vous font vibrer…

La marche à pieds dans la nature est excellente pour apaiser notre système sympathique. Mais si vous êtes le soir en ville, il sera peut-être plus facile de trouver un lieu pour danser avec des ami·es que d’aller marcher dans la nature.

Mon conseil

En me basant sur la théorie polyvagale du Dr Stephen Porges, mon conseil est donc : occupez-vous en priorité de mettre votre corps dans un état physiologique qui va soutenir votre capacité àapprendre et réfléchir, plutôt que de vous forcer à réviser quand c’est difficile parce que votre corps a besoin de bouger ou de dormir. Évidemment, ni la danse ni les révisions ne doivent se faire au détriment de votre sommeil, car si vous ne dormez pas assez, vos capacités intellectuelles s’en ressentent immédiatement.

Référence bibliographique

The Pocket Guide to the Polyvagal Theory, The Transformative Power of Feeling Safe, du Dr. Stephen W. Porges, publié chez Norton en 2017