Préférez-vous avoir raison ou être heureux ou heureuse ?

Oui, il faut choisir, vous ne pouvez pas avoir les deux. Parce que si vous cherchez à avoir raison, cela signifie que vous cherchez à triompher d’une autre personne, qui aurait tort. Et cela ne rend pas heureux. Ce qui nous rend heureux, c’est l’amour (le véritable amour, et non l’attachement possessif) : c’est de nous sentir dans une relation aimante avec une ou plusieurs autres personnes (voire toute l’humanité, ou même la planète et tous les êtres qui y vivent). Ce que j’appelle « une relation aimante », c’est quand nous ne percevons pas nos intérêts comme séparés de ceux de l’autre : nous voulons que l’autre personne soit heureuse, nous ne pourrions pas être heureux·se si elle ne l’était pas.

Or chercher à avoir raison, c’est vouloir avoir raison contre l’autre. Et les arguments que nous utilisons pour cela, notamment dans une dispute, sont comme des coups de bâtons que nous assenons sur la tête de l’autre personne. Et cela ne nous rend pas heureux. Vous sentez-vous heureux ou heureuse quand vous êtes en colère ?

Alors pourquoi le faisons-nous ? Pour nous sentir en sécurité. Or évidemment, cela ne marche pas : parce que si vous tapez sur la tête d’une autre personne, il est peu probable qu’elle vous réponde par un geste d’amour : la plupart du temps, elle va avoir peur aussi. Et elle va répondre soit par le combat ou la fuite, soit en se repliant sur elle-même. Or aucune de ces options ne vous apportera le bonheur. Cela va au contraire nous apporter une sensation d’insécurité. Pour comprendre les mécanismes qui entretiennent l’escalade de la peur et de la violence, alors même que notre raison nous dit que le combat ne va pas nous apporter l’amour ni nous rendre heureux, lire mon article « Mais pourquoi on se prend la tête ? L’éclairage de la théorie polyvagale ».

Alors que faire ? Ce que je conseille aux couples que j’accompagne, et qui sont aux prises avec ces difficultés, c’est de s’accrocher à leur désir d’être heureux, et d’être déterminés à s’allier pour guérir leurs traumatismes (qui sont à l’origine de leurs difficultés). Déterminés à ne plus se laisser aller à attaquer l’autre. De même qu’une personne qui veut se libérer d’une addiction doit être déterminée à ne plus céder à la tentation de consommer ce produit (tabac, alcool, drogue, jeux vidéos…) pour apaiser son malaise. Et bien entendu, ça n’est pas facile : ça demande du temps et de nombreuses tentatives parce qu’il y a des rechutes. Et ça demande de l’aide.

Une composante essentielle de l’aide que j’apporte aux couples, c’est de voir les deux personnes comme innocentes et faisant de leur mieux : il n’y a pas de mauvaise personne, il n’y a pas de coupable. Chacun·e cherche juste à se sentir mieux. Or nous ne nous sentons pas bien si nous nous croyons coupable, c’est ce qui nous pousse à nous défendre en cherchant à démontrer que c’est l’autre personne qui est coupable. C’est pourquoi il est crucial de nous considérer avec compassion : c’est seulement si nous pouvons avoir de la compassion envers nous-même que nous pouvons en avoir envers les autres. Cela n’est possible que lorsque nous nous sentons en sécurité. C’est pour cela qu’une aide extérieure est nécessaire : c’est mon rôle de thérapeute d’accueillir les personnes sans jugement et avec compassion, de manière à ce qu’elles se sentent en sécurité et puissent ainsi apprendre à se considérer elles-mêmes sans jugement et avec compassion, puis avoir cette même attitude envers les autres.